une entreprise modeste mais solidement assise

L’Astrapeios, porteur de foudre

Reprenons du début : considérer toujours que le pire est de moi, le meilleur emprunté, et qu’en tout lieu, seul le prononcé fait foi.

Au Musée régional de Rimouski et alentours, au début de l'été deux mille dix-sept d’abord, puis par à-coups l'année suivante. 

Souverain des lieux, là où les extractions se mesuraient en onces de Troyes.

Je vis dans la chambre, plutôt un coin de sous-sol délimité par un rideau d’un dénommé Jules Desjardins, que je n'ai jamais rencontré. Sans le connaître, j’ai déjà avec lui des affinités exprimées dans ses lectures, tracts anarchistes, féministes, matériel sur les pétrolières et les minières, la maison en est truffée, on s’y sent bien. 

Sur une scène au centre-ville, dirigeant l’Orchestre Symphonique de l’Estuaire, la chef est d’une incroyable énergie et d’une grande pédagogie, tout le poids de la fonction semble s’être évanoui, une bonne partie de la solennité et ma capacité d’écoute aussi. 

Au Bien et Malt, on arrive après une course sous la pluie et on boit mal. Je retrouve une artiste rencontrée à Québec l’été dernier, avec sa sœur qui paraît ressentir tout le poids d’une conversation portée sur l’absurde condition des diplômés d’art. 

Thomas, Français à la fin de son séjour rimouskois, habite aussi la maison, il est à la fin d’un boulot dans l’énergie. On discute par brèves, cette fois-là c’est moi qui lui propose de fumer un joint, très vite comme souvent entre Français expatriés, on ne trouve rien de mieux que de discuter trop sérieusement de politique française. Quelques minutes d’évaluation mutuelle passée on s’ignore poliment pour le reste de la semaine. 

Le groupe GrimSkunk, «un des pionniers de la scène rock québécoise, interprète ses chansons dans un décor aussi étonnant qu'enchanteur, en plein coeur de #Rimouski» [La Fabrique Culturelle]. Alcoholica est là aussi, puis Éric Lapointe plus tard dans la semaine, les deux groupes me font vivre des émotions honnêtes et innattendues. Les échos du pathétique crooner rock tendance aggression intime me parviennent du parking.
  
 experimental banks area
 She shall have dominion from sea to sea, 
 and from the river unto the ends of the earth
 What happens up here causes problems down the river.
  
 espaces clos de la mer
 pour ceux qui n’ont pas peur des voiles

 en condition anaérobique
 bêtes férales et plaisirs en cages

 pli parasite, côte magnétique
 les matières primordiales oeuvrent à la muséologie du paysage
  
 d’un bacille inarrêtable
 corégone de pacage lacustre,
 gestion halieutique douteuse
 retrait progressif des protocoles d’insémination
 intoxication volontaire des populations

 La vérité au fond du puit, 
 en toute chose l’opinion règne.

 Ma partenaire m’appelle et on a tous les deux des problèmes de clefs aujourd’hui. On est comme ça, pas toujours à nos affaires, contemplatifs et jouissifs, alors les petites choses des fois, hein. Mais c’est correct, elle va pouvoir rentrer chez nous, Anthony le concierge disait qu’il n’avait pas de double, mais finalement, oui, il en avait bien un, vu son caractère c'est un brin inquiétant. Chants et jeux inuits sont présentées sur la scène Canada 150, décidément la programmation est variée pour ces festivités de confédération que moi-même et mes proches décrions, à l'exception de mon père, naturalisé. Taqralik Partridge et Nina Segalowitz sont éblouissantes, solaires terrestres aqueuses textures sonores faites de matériaux précieux. Les papillons blancs d’une espèce qui comme toutes les autres m’est inconnue semblent être au plus haut point gênés par les vibrations des concerts. Leurs corps de papier à cigarette ne semble pas supporter les ondes lourdes du métal et des folklores amplifiés. 
Un matelas d’algues pour un repos ancien. Des motifs essentiels, l’abstraction du texte par facilité. Viorne trilobée, ascophylle noueuse, laminaire à long stipe, réceptacles et renflements du cinabre et de l’orpiment. Danser à Balmoral, vivre dans Chaleur, punir à Belledune. D’heure en heure, je travaille peu sous un Playmobil de policier pendu au bout d’un fil de coton, et cherche à produire une description circonstanciée des bouleversements. Le potassium des cendres d’algues sert encore de poudre à canon.

 Bref exposé de la doctrine et des règles
  
 Sur la grève
 à la recherche des fucus évanescents
 dans les milieux exposés retire sa superbe
 au passage transatlantique
 une cartographie des sentiments
 chantier invisible
 grand tronc pointe
 la résurgence de l’eau noire.

Les pays ont de tout temps été faits d’utopies pratiquées. Jamais le Canada n’aura pacifié le monde.

Au troisième jour, installé dans ce que j’imagine avoir été la salle de pastorale de cette église devenue musée régional, je m’engage dans des recherches sur les communautés mystiques nord-américaines, ces fous de Dieu venus trouver dans le Bas Saint-Laurent ou les Laurentides, les Cantons de l'Est ou la Côte-du-Sud, des lieux discrets afin de donner libre cours à leurs turpitudes messianiques. C’est d’abord le caractère excentrique de certains groupes qui m’attire, comme ces Bérets Blancs porteurs d’une synthèse originale entre croisade et décroissance, offrant «de s’attaquer au système capitaliste et bancaire, incarnation de la bête de l’Apocalypse». Sous l’égide du Tout-Puissant, ceux-ci trafiquent dans le commerce de l’intime mais jamais dans le libre-échange. En vrac et sans méthode j’en apprend davantage sur la conception divine que se faisait le chef des rébellions Métis de sa mission unificatrice, signant ses lettres «Louis David Riel, prophète, prêtre-roi et pontife infaillible», considérant comme d’autres que les tribus perdues d’Israël avaient été retrouvées chez les autochtones d’Amérique du Nord, le Canada agissant naturellement comme nouvelle Canaan. Et que penser de ce vice-président d'Hydro-Québec qui en 1993 cofondait un chapitre local de l'Ordre du Temple Solaire et mènerait plusieurs hauts dirigeants à la dévotion aveugle puis au suicide? Ces transits morbides reviendraient à ma mémoire et ma curiosité près de deux années plus tard, par la bande

Alors, ce sont les Apôtres de l’Amour Infini qui retiennent mon attention tant leur parcours dans l’hétérodoxie du 20ème siècle présente des caractéristiques uniques. En 1928, même si les faits fûrent longtemps niés,  c’est bien Rimouski qui vît naître Jean-Gaston Tremblay, future figure tutélaire de l’Ordre du Magnificat de la Mère de Dieu, unique antipape de notre histoire et tortionnaire s’appuyant sur des fictions d’une élaboration conséquente. Devenu le pontife Grégoire XVII le 24 juin 1971, mort invraisemblablement un 31 décembre 2011, cet homme fut pendant plus de quarante ans l’alpha et l’omega d’une secte dont l’excentricité aurait été agréable à moquer si elle n’avait pris dans ses rets trop d’enfants, leur faisant subir des tourments aussi infinis que l’amour censé se prodiguer dans leur monastère de St-Jovite, sis dans les bras accueillants de la Rivière du Diable. Là-bas un mélange incertain de canadiens-français, de Belges, de Lorrains, de latino-américains glosait sans fin sur des thèmes éculés à peine réinventés, tous déterminés à rétablir la loi mosaïque dans la Jérusalem des Terres Froides. Affirmant sa légitimité par une série d’apparitions, dont une étrange rencontre providentielle avec l’hérétique français Michel Collin à l’aéroport Dorval dans les années 60, ce pape du Nouveau-Monde professait une doctrine ascétique faites de sédiments anciens, où les dépôts meubles se devaient vite d’être agglomérés, puis neutralisés. Dans un pays fait de villes volontaires et dont les fondatrices savaient couper les chemins entre ciel et terre, cette église parallèle, bien loin de soigner les détresses humaines, les creusaient irrémédiablement. Ces faux médiateurs travaillant à la pénétration des cœurs diffusaient une âcre odeur de sainteté, créateurs d’enfants sauvages pliés trop jeunes par les ordres, gardiens d’une communautée illuminée à jamais dans l'ombre des cloîtres : ici, comme ailleurs, c’est le silence qui perd le monde.

Je lis que le dernier pendu de Rimouski, Alexandre Savard, 23 ans, reçoit sa sentence le 14 juin 1935. C'est un bourreau ontarien qui fait monter Monsieur Savard sur l'échafaud car le seul bourreau qui couvrait tout le Québec était occupé ce jour-là. On rapporte que beaucoup d'enfants ont assisté à la pendaison.

 la trappe fatale est tombée avec un bruit sourd
 une messe basse  à l’intention du condamné 
 les physionomies étaient mornes et le silence régnait partout
 tout le temps la grosse cloche a fait entendre le glas funèbre
 un drapeau noir flottait sur le palais de justice          
 
Visite au cimetière Saint-Germain. Près de l’UQAR, le lieu est complètement désert un 19 juillet à 17h,  sauf quelques automobilistes qui n’hésite pas à couper entre les tombes, étrangers au repos des morts si c’est pour gagner quelques minutes de vie. Le circuit patrimonial des Jardins commémoratifs Saint-Germain, sur la 2ème rue Est, est remarquablement exécuté. 

J’apprend qu’hier le premier ministre canadien était à Rimouski. Près de la Pointe-aux-Pères, où j’avais prévu d’aller à vélo. Finalement je suis parti à l’ouest, je l’ai proprement fuit. Des piqûres de maringouins, les pieds dans vase c’était peut être mieux. Bizarrement j’ai tout de même une désagréable impression d’avoir manquer une occasion. C’était avant les voyages à l’étranger en costumes folkloriques, avant le non-G7 à la Malbaie, avant la légalisation en octobre. 

À la marina, des amies travaillent sur la poupe d’un bateau, la cabane qu’elles ont construit autour de la presque-épave semble si solide qu’on ne les imagine pas la détruire pour mettre un jour le bateau à l’eau. Dernière étape de cette pénible expédition à vélo (je suis mal équipé, et en mauvaise condition physique, encore heurté par une chute récente), je m’arrête devant la Maison Lamontagne, son colombage pierroté et sa médiatrice en costune d’époque qui m’accueille même si elle s’apprête à fermer, balayant le sol de pierre comme la maîtresse de maison le faisait déjà en ces lieux vers 1750.

L’ermite allume un feu pour alerter les riverains. Les malades et les malingres sont logés au presbytère où ils sont décimés par le typhus. Leurs corps sont mis à geler du côté nord de la chapelle. Les survivants repartent au printemps après avoir enseveli les défunts.  Baignade au fleuve, sur la rive où les feux s’allument et s’éteignent. Leur présence en armes au milieu d’un décor qui avait encore l’air d’une scène de guerre déplait à plusieurs citoyens. Le désespoir de cette foule, seule avec elle-même. Cette armée cachée dans la vallée, veut-on la voir vraiment? Existe-t-elle encore, ou s'est-elle déjà lentement dissoute? 

Villa de Lessard, aussi dit de l’Essor, offrait à St-Anaclet des services uniques aux incapacités mentaux de la région. Les résidents sont privilégiés en terme de liberté : on est surveillé mais avec discrétion. Comment critiquer ceux qui font preuve envers nous d’une hospitalité débordante? Pointer les limites, les dysfonctionnements après une si chaleureuse invitation?

Discussion avec Marie-Michèle en descendant la côte aigue qui descend vers le centre-ville sur les formes de nos écrits, la difficulté de rassembler des fragments épars de transformer la prise de notes en quelque chose de plus conséquent. J’ai encore oublié les clefs qu’on m’a prêté sur la table de la cuisine, celle où le pendu est accroché. Direction la bibliothèque, j’y retrouve Marie-Michèle qui écrit à l’ordinateur des lignes que j'aurai  le plaisir  de lire dans l'année à venir. Lire le journal est de loin mon geste préféré, en écrire un est tout de suite plus pénible mais les actualités semblent alors me concerner d’avantage. 

Ce poisson cher vaut le coût, surtout pour cet espace aéré d’un restaurant français sur la rue principale, près d’un carrefour assez tranquille pour y installer des chaises en plastique. Là-bas la prison  est désormais une brasserie, l’ancienne brasserie un centre d’exposition, et l’ancien musée un bordel rutilant, ou un neuf poste de police . Fragments d’une histoire personnelle qui exprimerait un peu plus, moyen de diffusion se refusant à toute restriction.

 –As-tu des heures? 
 –Non, jamais été aussi libre.

Les côtes atlantiques, vestiges d'un monde qui n’est pas le nôtre, celui de mes parents à peine plus, faut-il les croire quand ils disent ne rien regretter? Et s’ils disent vrai, quelle valeur accorder à une telle pensée? Une espèce comme une autre, qui pourtant avait laissé plus de traces que les autres, qu’il serait plus difficilement envisageable de voir disparaître complètement, longtemps ses ruines resteraiennt discernables.

 ''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''''Nombreuses sont les forces qui doivent s'agglomérer. Pour le bloom, des conditions précises doivent être réunies. Les couleurs vives ne s'obtiennent que par accumulation. Figées, les pensées se changent en neurotoxines.''

Sur chaque branche, seule cette branche est préservée, celui qui étudie la disposition des feuilles pendant la croissance d’une plante à fleurs peut remarquer une analogie entre les relations formelles qu’entretiennent tiges, feuilles et branches. Bourgeons et relations  formelles qui prévalent entre différents mots et sons dans la phrase. Pas pour décrire la nature, pour décrire ce que nous pouvons dire de la nature. Une bifurcation reproduite à l’identique numériquement.

J’écoute en boucles CFCF sur le lecteur MP3 fourni par l'institution, délicate inclusion de la commissaire dans son exposition d’été. Rencontre avec Réjean F. Côté, éditeur dévoué et passionné de la fameuse Circulaire132, publication-lien de l’art postal et de tout ce qui se fait de pratiques alternatives sur papier depuis près de 25 ans, le gars est en contact avec une constellation de collagistes, peintres, conceptuels et post-Fluxistes de toutes sortes. Il me balance en vrac un tas d’anecdotes toutes plus passionnantes les unes que les autres. La connexion histoire de l’art à l’Université de Montréal reste riche en 2017, j’arrive encore à trouver des professeurs et conférenciers en commun avec Sylvio Gauthier, à l’accueil du musée et passé par le département entre 1974 et 1977, depuis amateur de chats de race et peinture d'aviation. Nicole Dubreuil et ses anecdotes sur les avant-gardes russes, Denys Arcand et les liens qu’il entretient avec l’Université-de-la-Montagne, du tournage de Jésus de Montréal aux intellectuels sursexués et manipulés des Invasions Barbares. On dit que d’ailleurs l’influence du site se poursuit avec le tournage récent d’un grand film sur l’accueil interplanétaire. Gilles le technicien du musée relate pour sa part son passage à l’Académie des Beaux-Arts à la même époque, où l’on croisait Belzile, Granche, Ayot ou Molinari en train d’acheter des galons d’acrylique. Sylvio me parle de ce gars à Montréal qui s’est fait un incroyable musée du livre, Gaétan Dostie, je lui dis que j'ai justement avec moi une édition signée de son livre Courir la galipote.
 
Mais aussi :

Pierre sculptables au Québec. Marbres, calcaires et roches tendres, 1981

Les Québécois violents de Marc Laurendeau

Un vrai de vrai dans la gendarmerie royale du Canada, récit professionnel autopublié en 1985, formidable trouvaille

Ashini d’Yves Thériault, dans la belle édition Fides de 1967

Des Tar Sands de l’Athabaska à la Grande Rivière de Canada, texte de Jean Morisset édité dans un 32-pages plié-broché par les ami.e.s de la Passe

La Possibilité d’une île de Houellebecq
 
Missions extrêmes en Amérique du Nord, étude menée par Bernadette Rigal-Cellard au Centre d'Études Canadiennes de l'Université Montaigne-Bordeaux 3. Françoise Deroy-Pineau, mère d'un ami d'enfance, Française savante, universitaire de Québec spécialiste critique de la Nouvelle-France y signe les essais à mes yeux marquants Madeleine de la Peltrie (Alençon, 1604 - Québec, 1671), Amazone du Nouveau Monde et Jeanne Leber (MOntréal, 1662 - 1714) : dompter son corps au coeur des combats et au fil de l'aiguille. Ceux de la directrice de publication, «Et vous ferez fleurir le Grand Désert de Sel, et règnerez sur la Vallée sans Ombre !» La mission colonisatrice des mormons : de l'Empire de Déséret au territoire symbolique de la Nouvelle Sion et Le futur pape est québécois : Grégoire XVII me font un effet plus grand encore, et m'habitent à ce jour. Avec le recul, je peux croire que mon intérêt marqué pour ces sujets particuliers n'est pas étranger à l'arrière-grand-oncle Émilius. Monseigneur Goulet est allé à Rome et au Manitoba, au ciel et un peu plus bas, et sa croix d'or continue de nous impressionner. Je dois encore le visiter dans sa retraite du Séminaire, rue Sherbrooke.

Je regarde Le pays de la terre sans arbres ou le Mouchouânipi et Le monde va nous prendre pour des sauvages de Pierre Perrault en streaming intermittent depuis le site de l’ONF, et aussi  Mon père, le roi, sans l'avoir tout à fait souhaité les sectes d'obédience catholique dans la vallée du Saint-Laurent auront été le coeur de mes recherches ici, à Rimouski.

Revoir Jean-Marie Benoit ravi. Rencontré en partageant le transport depuis Montréal, conduits par Safiatou, fille d’une diplomate sénégalais, chrétien devenu musulman. Présence dans la voiture de Mariam, Libanaise qui transporte avec elle une affiche laminée opposant Batman et Superman, elle est fan de superhéros. Laure, l’amie qui m’héberge est avec nous. Nous avions cherché le nom d’un artiste peintre québécois, abstrait, on se disait Mousseau, c’était Jérôme, pas le frère Jean, mais le peintre du groupe des plasticiens dont le frère officie à l'Abbaye de Val Notre-Dame à Saint-Jean-de-Matha. On parle gravure, vie d’artiste, succès et compromis, à nouveau aussi du financement des musées, je mentionne ma curiosité quant à la présence de Barrick Gold comme sponsor de l’exposition minéralogique de celui-ci. Ceux qui poursuivirent Alain Deneault et d’autres chercheurs étaient encore à l’œuvre, pratiquaient ici à travers le Musée canadien de la Nature un nettoyage par l’art de leur image. Le Mouton Noir, bonne feuille locale de chou, m’apprend la présence de l’auteur comme invité d’honneur au prochain salon du livre du coin, peut-être l’affaire y sera-t-elle soulevée, ou pas. 

J’apprend le suicide dans une cellule thaïlandaise d’Alexandre Cazes, Trifluvien désigné comme administrateur principal sur le darkweb de la plateforme Alphabay. Alexandre, 25 ans, menait un grand train de vie grâce à l'essor des cryptomonnaies et son site où se vendaient des psychotropes de qualité. Moi-même utilisateur de ce site parmi d'autres, de l’âge et du prénom du coupable désormais cadavérique et à rapatrier, je suis très vivement interpellé et reste marqué par la découverte de son visage dans un restaurant-déjeuner.

Promenade au Parc du Bic avec Anne-Marie, nous y reviendrons camper. Route de nuit sur les voies doubles troubles aveuglantes de la route 132. Arrivée tardive à Saint-Jean-Port-Joli, famille et amis sont attablés. Fin de séjour, ce texte s’écrira encore plus tard et une partie sera lue in absentiae lors de l’évènement de clôture de cette résidence qui ne survivra pas l'année. Laure Bourgault, grâce à qui je suis présent, me raconte que sa lecture de l’extrait choisi installe une ambiance poétique solennelle, et même grave en raison des propos tenus. M'expliquant le déroulement de la soirée, elle me remet de fines publications en plusieurs exemplaires, triples pliages de grandes feuilles  que je  range avec précaution, j’en confie deux à la famille puis range le reste dans le haut d'une armoire.
   
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