J J Pauvert

Vous avez cru que les hommes n’étaient plus bons qu’à choisir leur côté de la barricade et encore. Vous avez cru que tout était en place et qu’on pouvait commencer. Cherchez bien. Ne sentez-vous pas qu’il y a encore des êtres dont le bonheur n’est pas dans la servitude. Pour qui la poésie n’est pas encore une arme. Pour qui le merveilleux n’a pas quitté la terre. Les jours de notre vie, nous les sentons qui passent. Heure par heure. Pour toujours. Les jours de notre vie ne vous serviront pas.

Jean-Jacques Pauvert, 1947

Pierre Faucheux – Index Grafik

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L’écrivain et éditeur Jean Jacques Pauvert au festival Le livre et le vin de Saumur le 8 juin 1997.

Qualifié à sa mort, en 2014, de « grand fauve de l’édition », Jean- Jacques Pauvert, l’éditeur de Sade et d’Histoire d’O, est souvent vu comme un franc-tireur sulfureux. Cette image est un cliché. D’abord parce que Pauvert ne s’est jamais limité à la littérature érotique, construisant un catalogue original et d’une qualité rare. Ensuite parce qu’il n’a jamais cessé de ferrailler contre la censure pour le grand bien de tous. Et qu’enfin, éditeur à vingt ans, il restera plutôt, avec quelques autres, l’incarnation de l’éditeur indépendant.
Proche d’André Breton et de Georges Bataille, qu’il a édités, il le fut aussi de Jean Paulhan et plus tard de Guy Debord. Surréalisme, ’pataphysique, dadaïsme, Cobra, situationnisme, rien de ce qui contestait ne lui était étranger. Il fut donc l’éditeur de la célèbre revue Bizarre et d’écrivains hors norme tels que Raymond Roussel et Boris Vian. Avec Jean-François Revel, il lança la mémorable collection « Libertés ». Et en Mai 68, avec Siné, il publia l’explosif journal L’Enragé. Enfin, il rencontra le succès avec Albertine Sarrazin et Jean Carrière. Ce qui ne l’empêcha pas de perdre son indépendance à cause d’une globalisation déjà à l’œuvre dès le début des années 1970.
À partir de précieux fonds d’archives publics et privés et d’échanges avec les grands acteurs de la geste pauvertienne, l’auteure éclaire sous son vrai jour l’itinéraire plein de panache d’un éditeur au non-conformisme assumé, devenu sur le tard écrivain érudit. Itinéraire qui est aussi celui d’un provocateur-né, plongé dans un monde éditorial, politique et littéraire alors particulièrement effervescent qui nous est dépeint au fil des pages de ce livre passionnant.

Brigitte Lozerec’h raconte ici ses quarante années d’un long et tumultueux compagnonnage amoureux avec Jean-Jacques Pauvert, figure à part de l’édition française. Elle en sera la dernière épouse. À vingt ans, elle entend parler pour la première fois de cet éditeur qui avait pris la défense d’Albertine Sarrazin, jugée sévèrement par la presse pour s’être prostituée à l’âge de seize ans après son évasion de prison. « Si j’écris, moi aussi, les laideurs de l’enfance et de l’adolescence infligées par le frère aîné et les cousins, s’était dit Brigitte Lozerec’h, cet éditeur me protégera… ». Elle mettra plus de dix ans à exhumer ses tourments publiés en 1982 sous le titre L’Intérimaire, qui connaîtra un grand succès de librairie. Au long des années, elle découvre dans l’éditeur du marquis de Sade un homme attentif, pudique, aux multiples facettes qui en cachent de plus sombres. Elle rencontre quelques célébrités qui lui révèlent que les triomphes peuvent cacher de grandes solitudes. Après un temps d’éloignement, les amants se retrouvent : le séducteur a pris de l’âge et Brigitte s’installe près de lui, sur la Riviera. Ils partagent alors une vie simple dans l’harmonie des heures de lecture au bord de la Méditerranée, et une activité forestière dans la colline qui surplombe la maison.

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