‘Hang on. Kidding aside for a second. What all do you know about Separatism?’
Hal stopped for a moment. ‘You mean in Canada?’
‘Is there any other kind?’
David Foster Wallace, Infinite Jest, 1996.
The bridges of Montreal are part of the landscape against which these stories are set – a shifting line of horizon that serves as both background and protagonist, defining the acts of violence which in turn alter our perception of the place.
I suspect there is something about the marginality of Québec and its people that appealed to my own temperament. The place itself is striking in its oddness: a small, obscure, fiercely proud French-speaking corner of North America. My being here is another kind of anomaly: a capricious cataclysm of history swept the remnants of my family away from their birthplace and landed them in this curiously innocent land with its nearly bloodless soil and its uncomplicated history.
The convoluted trajectory my subjects and I traveled to come together in these pages is not so dissimilar; a part of me understands and even empathizes with the reasons for each desperate act described here. Nevertheless, I know we are fellow travelers only along the route of imagination. My effort here is to allow others to share in that journey.
Ann Charney – The transformation of a white n—– (1973)
Ann Charney – L’irréductible révolutionnaire Paul Rose, 1943-2013
Louise Lanctôt : autres temps, mêmes moeurs
Raccourcis historique et analyse critique rétrospective
L’extrême-droite rejoint l’extrême-gauche
Son père, bras droit du Fuhrer québécois Adrien Arcand, et mère du gourou conspirationniste Alexis Cossette-Trudel. Comme son frère Jacques, le temps n’a pas été clément. Alain en a souffert aussi, et c’est finalement François qui est le seul à ne pas renier son héritage révolutionnaire. Elle veut que comme elle son fils se ”déprogramme”, montrant bien qu’à l’époque ses conclusions politiques n’étaient pas tout à fait les siennes. Elle se dit dégoûtée par l’apologie contemporaine du FLQ, pourtant largement critiquée. Ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’elle se confie à la chroniqueuse conservatrice Denise Bombardier, d’ailleurs plutôt mal renseignée dans certaines de ses questions.
Une sorcière parmi les felquistes : Louise Lanctôt en entrevue avec Denise Bombardier, automne 2020.
Les-Femmes-Terroristes-octobre-1985-Copy_optimizeRepression: It was all anyone in the Movement was talking about that winter. Many were giving up hope. But others, Melville included, began talking about fighting back, about a genuine revolution, about guns, about bombs, about guerrilla warfare. Jane privately thought it all ridiculous, brave speechifying fueled by too much free time and too many drugs. And in time Melville appeared to drop the subject. It was clear, however, that he wanted to do something, and to Jane’s amazement, “something” arrived unannounced that February. In fact, there were two of them, “Jean” and “Jacques.” Melville took Jane aside and told her they were genuine revolutionaries — Canadian revolutionaries, dedicated to the freedom of their native Quebec. Their real names were Alain Allard and Jean- Pierre Charette, and their terrorist group, Front de libération du Québec, known as the FLQ, was responsible for more than 160 acts of violence in Canada — killing at least eight people — since 1963, including the bombing of the Montreal Stock Exchange just days before. They were on the run.
Melville had not only met the two Canadian terrorists through mutual acquaintances but had agreed to hide them in a friend’s apartment. They wanted to get to Cuba. Melville had promised to take care of everything, and for the next few weeks he did. He arranged for a post office box, retrieved their mail, brought them newspapers, even bought their food. In turn he spent hours closeted with the two, quizzing them on the minutiae of revolutionary work: the ins and outs of safe houses, false papers, and, most of all, bombs. Jean and Jacques drew Melville diagrams and showed him how to insert bombs into briefcases. They even tutored him on how to cover his mouth when telephoning in bomb threats.
One night Jane returned to the apartment and found Melville pacing nervously. “They’ve come up with a plan,” he said.
Jane stared.
“They want to hijack a plane to Cuba.”
“You’re not serious.”
They were. He was. Even though every nerve in her body told Jane not to, she agreed to help. She did it, she told herself, out of love. The real reason, though she couldn’t admit it for years, was the excitement. She was involved in something bigger than herself. They were changing the world. This was justified. This was important.
Over the next two weeks, everything came together quickly. Melville managed to buy a gun. Jane selected a Miami- bound plane to hijack. On Monday, May 5, they followed the two Canadians to LaGuardia Airport and said goodbye. “How can we ever thank you?” one asked.
“We are all fighting for the same cause,” Jane replied.
That night Jane and Melville hunched over a radio until the announcer on WBAI read a news bulletin: “National Airlines flight number ninety- one has been diverted from Miami to Cuba, where it has now landed.”
Melville and Jane shouted for joy, hopping like rabbits, they were so excited. “Those little bastards,” Melville crowed over and over. “They did it. They did it!”
Extrait de Days of Rage: America’s Radical Underground, the FBI, and the Forgotten Age of Revolutionary Violence par Bryan Burrough, 2015.
En février 2019, Éveline Thibault-Lanctôt et sa mère Louise Lanctôt lançaient la petite maison d’édition Le Scriptorium. Elles (re)publieront en octobre 2020 l’opus autobiographique de Louise Lanctôt Une sorcière parmi les felquistes. Journal de la Crise d’Octobre sorti une première fois sous le titre Une sorcière comme les autres chez Québec-Amérique en 1981. On remarque que le titre original emprunté à une chansons d’Anne Sylvestre a été remanié pour la nouvelle édition, tout comme le contenu du récit.
La mémoire de la répression, du printemps au Lundi de la matraque – Moïse Marcoux-Chabot
Les événements de juin 1968 ont certainement joué un rôle dans ceux d’octobre 1970. Le 24 juin 1968, les forces policières montréalaises avaient déployé pour la première fois leur nouvelle brigade antiémeute. L’impunité avec laquelle les membres de celle-ci s’en sont sortis a sans aucun doute laissé des cicatrices plus profondes que celles infligées par les matraques. Pour le devoir de mémoire, en espérant qu’un jour la devise du Québec occupe une place plus noble que celle grisâtre et sale qu’on lui laisse sur les plaques de chars, je publie ici quelques extraits choisis et retranscrits des témoignages compilés en 1968 par Paul Rose et Jacques Lanctôt, dans les mois qui ont suivi le «Lundi de la matraque». Je le fais en souhaitant sincèrement voir naître au Québec un réel exercice collectif de remise en question des dérives autoritaires, bien qu’à chaque jour qui passe je désespère un peu plus. (…)
Garel-Sylvain-Le-FLQ-dans-la-cinematographie-quebecoise-2000Maloney-Sean-M.-Un-simple-bruissement-de-feuilles.-La-strategie-canadienne-et-la-crise-du-FLQ-de-1970-2000
Piotte-Jean-Marc-Quebec-occupe-1971
Les-evenements-doctobre-1970-et-ladministration-de-la-justice-penale-au-Quebec-1980
Octobre n’est pas la fin d’une longue histoire d’amour
Mémoire et actualité : de la Crise d’octobre
et de l’État d’exception
par Mathieu Parent M.A.
Il y a 50 ans, en octobre 70, la Loi des mesures de guerre (LMG) est promulgée par le gouvernement du Canada. Tout le Québec est pris en otage. L’acte de guerre « hors-la-loi » du gouvernement vise des milliers de personnes à cause de leurs sympathies politiques réelles ou apparentes ou parce qu’elles se trouvent à la mauvaise place au mauvais moment. La cible dépasse largement les (quelques) responsables d’enlèvements politiques participant au Front de Libération du Québec (1) militant pour une révolution sociale québécoise.
Un large spectre de citoyen-ne-s est abusé. L’armée se joint à la police, des milliers de fouilles sont effectuées sans mandat, près de 500 personnes sont emprisonnées avec violence, sans avoir droit à l’assistance d’un-e avocat-e. (2) Les communications sont contrôlées et manipulées. Des personnes et groupes de diverses allégeances politiques, d’ici et d’ailleurs, incluant des anglophones (3), critiquent vertement cette expression des racines autoritaires et féodales du Canada.
Un événement à comprendre dans une histoire sociale
L’histoire populaire contient d’autres exemples de recours législatifs et violents bafouant les droits et libertés des personnes et des peuples pour attaquer des idées et mouvements sociaux. L’expérience de la Crise d’octobre est reliée à une expérience sociale et historique plus longue (4).La répression de l’immense grève générale de Winnipeg en 1919, celle sanglante, des mouvements québécois anti-conscription, ainsi que la chasse aux sorcières communistes et progressistes sous la Loi du Cadenas proclamée à partir de 1937 durant le règne de Maurice Duplessis, en sont des exemples consternants. Ce dernier « remplaçait » lui-même un décret rendant illégal le parti communiste au début du siècle. Il fallut 20 ans pour que l’arbitraire Loi du Cadenas soit invalidée.
En 1969, tout juste avant la Crise, alors que la métropole est le théâtre de nombreuses manifestations. Certaines tournent aux coups avec la participation d’une police peu ou mal formée et provoquante. L’administration Drapeau-Saulnier (D.-S.) de la ville de Montréal montre alors elle-aussi un penchant autoritaire. Elle édicte alors un interdit de manifester dans les quartiers centraux, que les femmes qui donneront naissance au Front de libération des femmes du Québec ont été les premières, le 28 novembre 1969, à braver pacifiquement cet interdit qui instaurait le règlement 3926, ancêtre du règlement P-6 qui a été abrogé en 2020, 50 ans après !
La suspension du droit de manifester n’a qu’attisé des tensions. Tensions déjà nourries par l’essoufflement des réformes de la “révolution tranquille”, considérant le vent de décolonisation et l’activité des mouvements sociaux soufflant tant une volonté que des idées de changement. Ni l’action courageuse des femmes, ni l’état de guerre n’empècha l’administration D.-S. de tenir des élections municipales en novembre 1970 alors que l’armée occupe le Québec sous la LMG et que certains de leurs adversaires politiques avaient été emprisonnés sans procès.
L’État d’exception
Aujourd’hui, les pratiques de l’État d’exception sont presque devenues normales (5). Les lois spéciales, l’usage du bâillon à l’Assemblée nationale, la militarisation de la police et les lois générales pour lutter contre “le“ terrorisme brisent des règles de l’État de droit. Nous devons chercher ailleurs les déterminants effectifs de la justice sociale. Ces excès de contrôle ne règlent rien quant aux causes profondes des maux dont ils nourrissent le pouvoir. Les intérêts des classes dominantes sont les premiers servis par cette violence d’État qui sévit au détriment des libertés et des démocraties avec leurs responsabilités, défis et débats sociaux et environnementaux.
Considérant que « nos » politiques néolibérales creusent les inégalités socioéconomiques, s’accommodent de paradis fiscaux et de zones franches (au nombre de neuf au Canada); qu’elles renouvèlent l’exploitation des travailleur-se-s et de la nature de par le monde; qu’elles favorisent les déréglementations qui amenuisent les souverainetés populaires (incluant autochtones), il nous a semblé doublement important de participer à l’actualisation (critique) d’enjeux et d’archétypes des luttes et résistances poussés en marge de l’histoire.
POV Magazine.com Documenting the October crisis
AGM24
tel était mon numéro à Parthenais
en octobre 70
Aile gauche
Mezzanine
Cellule 24
j’ai eu l’honneur de passer treize jours à Parthenais
en compagnie de gens beaucoup plus honorables
que ceux qui nous y ont mis
dès que j’ai eu du papier et une plume à bille
j’ai pu écrire
un après-midi en cette heure bien tranquille
où tout le monde faisait la sieste
je me suis risqué et j’ai dit
Messieurs j’ai quelque chose à vous lire
et j’ai lu Aile gauche
la voix me tremblait
lire un poème en ce lieu
et cet acoustique si particulier
en ces circonstances si peu claires
c’était tout à fait troublant
mon poème fini
un silence dure trop longtemps
le temps que je me dise
bravo Garneau
tu viens de faire un fou de toi
tout le monde est gêné
mais une voix dit posément
lis-le encore
alors je l’ai relu
et des voix ont dit merci
le lendemain aux tables il y avait
une activité surprenante
huit ou neuf personnes
étaient en train de transcrire
deux poèmes sur du papier à cigarette
quelqu’un ayant eu l’idée
qu’à la première sortie d’un prisonnier
les poèmes sortiraient avec lui
cachés à l’intérieur de Life Savers
et seraient acheminés à des journaux ou revues
et j’ai vue cette chose assez magnifique
une gagne de scribes très concentrés
et des gens aux doigts agiles
qui savaient défaire et refaire un Life Saver
sans que ça paraisse
et c’est ainsi
que les premiers prisonniers libérés
ont transportés leur Life Saver
jusqu’à un journal et une revue
et c’est ainsi que
Aile Gauche
et Chanson du petit matin d’octobre à Parthenais
ont paru dans Le Quartier Latin
et dans Québec-Presse je crois
pendant que j’étais encore
à AGM24
AILE GAUCHE
quatre rangées de barreaux de jour en jour
me pénètrent plus profond dans la peau de la face
mais je résiste de tout mon amour rageur
mais du sommet de mon âge je dévale
dans le temps mais je dévale dans mon âge
tout goulu de désirs et rien pas même cette cage
de bêtise rien ne m’écoeure je dévale et j’écume
et j’avance et je plonge et je cherche
et je tiens tête et je ne rêve pas je vérifie :
je suis en vie mes calvaires !
rien ne peut m’arrêter sur la pente vivante
où je veux vivre mon coeur me pense
et j’ai la tête en fleur je suis en amour
de toutes les façons je connais une femme
plus jeune que la jeunesse qui m’attend
à la porte des saisons je connais des filles
plus belles à elles seules que toutes les laideurs
emprisonnantes qu’on nous invente et je boirai
l’avenir au creux des mains d’une fine demoiselle
et je vois l’avenir bleuir doucement à des poignets
je vois déjà l’allure de la liberté dans l’allure
de fête de leurs corps et les prisons gros bâtons
niaiseux dans nos roues et les barreaux verdâtres
qui voudraient nous lobotomiser
grandiront notre élan
en nous enseignant la patience définitive
chacun de nous a son amour à accomplir
et chacun de nous l’accomplira
et quand nous sortirons d’ici
et que nous reprendrons pied sur terre
parmi le vrai malheur parmi la vraie
douleur et parmi la vraie force et la vraie détresse
et la vraie puissance de nos frères
nous reprendrons souffle
aux lèvres de nos amours et nous continuerons
d’inventer un pays qui soit digne de la force
de nos rêves et de notre réalité
nous partageons ici entre camarades
un petit malheur inventé
pour nous punir de penser tout seul ensemble
on voudrait bien que nous n’existions pas
nos petits maîtres nous ont mis dans les limbes
de leur société hé bien il n’y a rien dans les limbes
et il n’y a pas de paradis et l’enfer c’est n’importe
quel regard vide de chef et n’importe quel enfant
peut vous nettoyer ça nous sommes ici
dans le Québec de nos coeurs
nous sommes ici sur la terre parmi l’humain
et à force d’amour et d’humour à force de sexe
et de plaisir à force de joie et à force de coups
de pied dans le cul du vieux monde nous ferons
maison nette au québec nous ferons
place aux humains
dans l’abondance d’humanité
quand notre pays sera pays
et nos amours amours libres toujours
quand cette câlice de prison
sera poulailler modèle quand les vendus
vendeurs travailleront pour les enfants
quand il n’y a aura plus de fripouille à occire
quand nous n‘aurons plus qu’à nous aimer
en inondant le monde de sirop d’érable
chanson du petit matin
d’octobre à Parthenais
petit matin petit matin
ma ville est bien putain
nos frères sont bien naïfs
et je suis bien mal en point
les bons sont pas en prison
a dit joyeux le gardien
et c’est bien rassurant
tous les méchants doivent être dedans
petit matin petit matin
dis-moi à quel triste moment
un bon devient-il méchant
c’est-y quand il entre dedans
alors donc les meilleurs des bons
sont ceux qui s’arrangent entre eux
pour être maître des prisons
et ne jamais aller dedans
petit matin petit matin
ma ville est bien naïve
nos frères sont bien putain
et on est bien mal en point
chu d’dans comme un codinde
triste comme une boite à lunch
j’ai même pas pu j’ai honte
aller voter pour mon papa
pour mon papa un homme en or
qui est le best de tous les bons
un petit prince et comme le chien
le meilleur ami de l’homme
petit matin petit matin
l’armée est dans la ville
le Canada dans le Québec
jusqu’où peut-on être putain
les voici dans de beaux draps d’or
les trois cent justes de Ville-Marie
et une couple de millions de méchants
dans la prison de Montréal
petit matin petit matin
y’en a beaucoup des méchants
même des méchants en liberté
qui laissent les bons régner sur eux
petit matin peut-être qu’on pourrait ben
mettre les bons dans les prisons
juste pour essayer pour voir
si l’envers vaut pas l’endroit
voir un peu un petit matin
si notre ville serait pas généreuse
si nos frères seraient pas plus fins
entre méchants bien dans leurs peaux
petit matin petit matin
j’aime ma ville comme mon corps
je suis naïf comme mes frères
un jour j’aurai plus mal au coeur
Michel Garneau sur Facebook, 16 octobre 2020