FLQlogistes

‘Hang on. Kidding aside for a second. What all do you know about Separatism?’

Hal stopped for a moment. ‘You mean in Canada?’

‘Is there any other kind?’

David Foster Wallace, Infinite Jest, 1996.
L’historienne de l’art et chercheuse Katrie Chagnon s’entretient avec Moyra Davey autour de sa vidéo, i confess (2019) le dimanche 27 octobre 2019 à la Cinémathèque québécoise.
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Ann Charney, who is working on a second novel, says that when she was growing up Montreal was like a : Photo d'actualité

The bridges of Montreal are part of the landscape against which these stories are set – a shifting line of horizon that serves as both background and protagonist, defining the acts of violence which in turn alter our perception of the place.

I suspect there is something about the marginality of Québec and its people that appealed to my own temperament. The place itself is striking in its oddness: a small, obscure, fiercely proud French-speaking corner of North America. My being here is another kind of anomaly: a capricious cataclysm of history swept the remnants of my family away from their birthplace and landed them in this curiously innocent land with its nearly bloodless soil and its uncomplicated history.

The convoluted trajectory my subjects and I traveled to come together in these pages is not so dissimilar; a part of me understands and even empathizes with the reasons for each desperate act described here. Nevertheless, I know we are fellow travelers only along the route of imagination. My effort here is to allow others to share in that journey.

Ann Charney – The transformation of a white n—– (1973)

Ann Charney – L’irréductible révolutionnaire Paul Rose, 1943-2013

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Louise Lanctôt : autres temps, mêmes moeurs

Raccourcis historique et analyse critique rétrospective

L’extrême-droite rejoint l’extrême-gauche

Son père, bras droit du Fuhrer québécois Adrien Arcand, et mère du gourou conspirationniste Alexis Cossette-Trudel. Comme son frère Jacques, le temps n’a pas été clément. Alain en a souffert aussi, et c’est finalement François qui est le seul à ne pas renier son héritage révolutionnaire. Elle veut que comme elle son fils se ”déprogramme”, montrant bien qu’à l’époque ses conclusions politiques n’étaient pas tout à fait les siennes. Elle se dit dégoûtée par l’apologie contemporaine du FLQ, pourtant largement critiquée. Ce n’est d’ailleurs pas anodin qu’elle se confie à la chroniqueuse conservatrice Denise Bombardier, d’ailleurs plutôt mal renseignée dans certaines de ses questions.

Une sorcière parmi les felquistes : Louise Lanctôt en entrevue avec Denise Bombardier, automne 2020.

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Pierre Harel + Pascal Gélinas, Taire des hommes, 1968, 35mn. Document réalisé à chaud après le Lundi de la matraque.

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Repression: It was all anyone in the Movement was talking about that winter. Many were giving up hope. But others, Melville included, began talking about fighting back, about a genuine revolution, about guns, about bombs, about guerrilla warfare. Jane privately thought it all ridiculous, brave speechifying fueled by too much free time and too many drugs. And in time Melville appeared to drop the subject. It was clear, however, that he wanted to do something, and to Jane’s amazement, “something” arrived unannounced that February. In fact, there were two of them, “Jean” and “Jacques.” Melville took Jane aside and told her they were genuine revolutionaries — Canadian revolutionaries, dedicated to the freedom of their native Quebec. Their real names were Alain Allard and Jean- Pierre Charette, and their terrorist group, Front de libération du Québec, known as the FLQ, was responsible for more than 160 acts of violence in Canada — killing at least eight people — since 1963, including the bombing of the Montreal Stock Exchange just days before. They were on the run.

Melville had not only met the two Canadian terrorists through mutual acquaintances but had agreed to hide them in a friend’s apartment. They wanted to get to Cuba. Melville had promised to take care of everything, and for the next few weeks he did. He arranged for a post office box, retrieved their mail, brought them newspapers, even bought their food. In turn he spent hours closeted with the two, quizzing them on the minutiae of revolu­tionary work: the ins and outs of safe houses, false papers, and, most of all, bombs. Jean and Jacques drew Melville diagrams and showed him how to insert bombs into briefcases. They even tutored him on how to cover his mouth when telephoning in bomb threats.

One night Jane returned to the apartment and found Melville pacing ner­vously. “They’ve come up with a plan,” he said.

Jane stared.

“They want to hijack a plane to Cuba.”

“You’re not serious.”

They were. He was. Even though every nerve in her body told Jane not to, she agreed to help. She did it, she told herself, out of love. The real reason, though she couldn’t admit it for years, was the excitement. She was involved in something bigger than herself. They were changing the world. This was justified. This was important.

Over the next two weeks, everything came together quickly. Melville managed to buy a gun. Jane selected a Miami- bound plane to hijack. On Monday, May 5, they followed the two Canadians to LaGuardia Airport and said goodbye. “How can we ever thank you?” one asked.

“We are all fighting for the same cause,” Jane replied.

That night Jane and Melville hunched over a radio until the announcer on WBAI read a news bulletin: “National Airlines flight number ninety- one has been diverted from Miami to Cuba, where it has now landed.”

Melville and Jane shouted for joy, hopping like rabbits, they were so excited. “Those little bastards,” Melville crowed over and over. “They did it. They did it!”

Extrait de Days of Rage: America’s Radical Underground, the FBI, and the Forgotten Age of Revolutionary Violence par Bryan Burrough, 2015.

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Jacques Cossette-Trudel et Louise Lanctôt.

En février 2019, Éveline Thibault-Lanctôt et sa mère Louise Lanctôt lançaient la petite maison d’édition Le Scriptorium. Elles (re)publieront en octobre 2020 l’opus autobiographique de Louise Lanctôt Une sorcière parmi les felquistes. Journal de la Crise d’Octobre sorti une première fois sous le titre Une sorcière comme les autres chez Québec-Amérique en 1981. On remarque que le titre original emprunté à une chansons d’Anne Sylvestre a été remanié pour la nouvelle édition, tout comme le contenu du récit.

https://www.mariemichelemartel.ca/entrevue-avec-eveline-thibault-lanctot-editrice-chez-le-scriptorium/

La mémoire de la répression, du printemps au Lundi de la matraque – Moïse Marcoux-Chabot

Les événements de juin 1968 ont certainement joué un rôle dans ceux d’octobre 1970. Le 24 juin 1968, les forces policières montréalaises avaient déployé pour la première fois leur nouvelle brigade antiémeute. L’impunité avec laquelle les membres de celle-ci s’en sont sortis a sans aucun doute laissé des cicatrices plus profondes que celles infligées par les matraques. Pour le devoir de mémoire, en espérant qu’un jour la devise du Québec occupe une place plus noble que celle grisâtre et sale qu’on lui laisse sur les plaques de chars, je publie ici quelques extraits choisis et retranscrits des témoignages compilés en 1968 par Paul Rose et Jacques Lanctôt, dans les mois qui ont suivi le «Lundi de la matraque». Je le fais en souhaitant sincèrement voir naître au Québec un réel exercice collectif de remise en question des dérives autoritaires, bien qu’à chaque jour qui passe je désespère un peu plus. (…)

Garel-Sylvain-Le-FLQ-dans-la-cinematographie-quebecoise-2000

Maloney-Sean-M.-Un-simple-bruissement-de-feuilles.-La-strategie-canadienne-et-la-crise-du-FLQ-de-1970-2000

Piotte-Jean-Marc-Quebec-occupe-1971

Les-evenements-doctobre-1970-et-ladministration-de-la-justice-penale-au-Quebec-1980

WarrenOutrage

Octobre n’est pas la fin d’une longue histoire d’amour

Mémoire et actualité : de la Crise d’octobre
et de l’État d’exception

par Mathieu Parent M.A.

Il y a 50 ans, en octobre 70, la Loi des mesures de guerre (LMG) est promulgée par le gouvernement du Canada. Tout le Québec est pris en otage. L’acte de guerre « hors-la-loi » du gouvernement vise des milliers de personnes à cause de leurs sympathies politiques réelles ou apparentes ou parce qu’elles se trouvent à la mauvaise place au mauvais moment. La cible dépasse largement les (quelques) responsables d’enlèvements politiques participant au Front de Libération du Québec (1) militant pour une révolution sociale québécoise.
Un large spectre de citoyen-ne-s est abusé. L’armée se joint à la police, des milliers de fouilles sont effectuées sans mandat, près de 500 personnes sont emprisonnées avec violence, sans avoir droit à l’assistance d’un-e avocat-e. (2) Les communications sont contrôlées et manipulées. Des personnes et groupes de diverses allégeances politiques, d’ici et d’ailleurs, incluant des anglophones (3), critiquent vertement cette expression des racines autoritaires et féodales du Canada.
Un événement à comprendre dans une histoire sociale
L’histoire populaire contient d’autres exemples de recours législatifs et violents bafouant les droits et libertés des personnes et des peuples pour attaquer des idées et mouvements sociaux. L’expérience de la Crise d’octobre est reliée à une expérience sociale et historique plus longue (4).La répression de l’immense grève générale de Winnipeg en 1919, celle sanglante, des mouvements québécois anti-conscription, ainsi que la chasse aux sorcières communistes et progressistes sous la Loi du Cadenas proclamée à partir de 1937 durant le règne de Maurice Duplessis, en sont des exemples consternants. Ce dernier « remplaçait » lui-même un décret rendant illégal le parti communiste au début du siècle. Il fallut 20 ans pour que l’arbitraire Loi du Cadenas soit invalidée.
En 1969, tout juste avant la Crise, alors que la métropole est le théâtre de nombreuses manifestations. Certaines tournent aux coups avec la participation d’une police peu ou mal formée et provoquante. L’administration Drapeau-Saulnier (D.-S.) de la ville de Montréal montre alors elle-aussi un penchant autoritaire. Elle édicte alors un interdit de manifester dans les quartiers centraux, que les femmes qui donneront naissance au Front de libération des femmes du Québec ont été les premières, le 28 novembre 1969, à braver pacifiquement cet interdit qui instaurait le règlement 3926, ancêtre du règlement P-6 qui a été abrogé en 2020, 50 ans après !
La suspension du droit de manifester n’a qu’attisé des tensions. Tensions déjà nourries par l’essoufflement des réformes de la “révolution tranquille”, considérant le vent de décolonisation et l’activité des mouvements sociaux soufflant tant une volonté que des idées de changement. Ni l’action courageuse des femmes, ni l’état de guerre n’empècha l’administration D.-S. de tenir des élections municipales en novembre 1970 alors que l’armée occupe le Québec sous la LMG et que certains de leurs adversaires politiques avaient été emprisonnés sans procès.
L’État d’exception
Aujourd’hui, les pratiques de l’État d’exception sont presque devenues normales (5). Les lois spéciales, l’usage du bâillon à l’Assemblée nationale, la militarisation de la police et les lois générales pour lutter contre le terrorisme brisent des règles de l’État de droit. Nous devons chercher ailleurs les déterminants effectifs de la justice sociale. Ces excès de contrôle ne règlent rien quant aux causes profondes des maux dont ils nourrissent le pouvoir. Les intérêts des classes dominantes sont les premiers servis par cette violence d’État qui sévit au détriment des libertés et des démocraties avec leurs responsabilités, défis et débats sociaux et environnementaux.
Considérant que « nos » politiques néolibérales creusent les inégalités socioéconomiques, s’accommodent de paradis fiscaux et de zones franches (au nombre de neuf au Canada); qu’elles renouvèlent l’exploitation des travailleur-se-s et de la nature de par le monde; qu’elles favorisent les déréglementations qui amenuisent les souverainetés populaires (incluant autochtones), il nous a semblé doublement important de participer à l’actualisation (critique) d’enjeux et d’archétypes des luttes et résistances poussés en marge de l’histoire.

POV Magazine.com Documenting the October crisis

AGM24

tel était mon numéro à Parthenais

en octobre 70

Aile gauche

Mezzanine

Cellule 24

j’ai eu l’honneur de passer treize jours à Parthenais

en compagnie de gens beaucoup plus honorables

que ceux qui nous y ont mis

dès que j’ai eu du papier et une plume à bille

j’ai pu écrire

un après-midi en cette heure bien tranquille

où tout le monde faisait la sieste

je me suis risqué et j’ai dit

Messieurs j’ai quelque chose à vous lire

et j’ai lu Aile gauche

la voix me tremblait

lire un poème en ce lieu

et cet acoustique si particulier

en ces circonstances si peu claires

c’était tout à fait troublant

mon poème fini

un silence dure trop longtemps

le temps que je me dise

bravo Garneau

tu viens de faire un fou de toi

tout le monde est gêné

mais une voix dit posément

lis-le encore

alors je l’ai relu

et des voix ont dit merci

le lendemain aux tables il y avait

une activité surprenante

huit ou neuf personnes

étaient en train de transcrire

deux poèmes sur du papier à cigarette

quelqu’un ayant eu l’idée

qu’à la première sortie d’un prisonnier

les poèmes sortiraient avec lui

cachés à l’intérieur de Life Savers

et seraient acheminés à des journaux ou revues

et j’ai vue cette chose assez magnifique

une gagne de scribes très concentrés

et des gens aux doigts agiles

qui savaient défaire et refaire un Life Saver

sans que ça paraisse

et c’est ainsi

que les premiers prisonniers libérés

ont transportés leur Life Saver

jusqu’à un journal et une revue

et c’est ainsi que

Aile Gauche

et Chanson du petit matin d’octobre à Parthenais

ont paru dans Le Quartier Latin

et dans Québec-Presse je crois

pendant que j’étais encore

à AGM24

AILE GAUCHE

quatre rangées de barreaux de jour en jour

me pénètrent plus profond dans la peau de la face

mais je résiste de tout mon amour rageur

mais du sommet de mon âge je dévale

dans le temps mais je dévale dans mon âge

tout goulu de désirs et rien pas même cette cage

de bêtise rien ne m’écoeure je dévale et j’écume

et j’avance et je plonge et je cherche

et je tiens tête et je ne rêve pas je vérifie :

je suis en vie mes calvaires !

rien ne peut m’arrêter sur la pente vivante

où je veux vivre mon coeur me pense

et j’ai la tête en fleur je suis en amour

de toutes les façons je connais une femme

plus jeune que la jeunesse qui m’attend

à la porte des saisons je connais des filles

plus belles à elles seules que toutes les laideurs

emprisonnantes qu’on nous invente et je boirai

l’avenir au creux des mains d’une fine demoiselle

et je vois l’avenir bleuir doucement à des poignets

je vois déjà l’allure de la liberté dans l’allure

de fête de leurs corps et les prisons gros bâtons

niaiseux dans nos roues et les barreaux verdâtres

qui voudraient nous lobotomiser

grandiront notre élan

en nous enseignant la patience définitive

chacun de nous a son amour à accomplir

et chacun de nous l’accomplira

et quand nous sortirons d’ici

et que nous reprendrons pied sur terre

parmi le vrai malheur parmi la vraie

douleur et parmi la vraie force et la vraie détresse

et la vraie puissance de nos frères

nous reprendrons souffle

aux lèvres de nos amours et nous continuerons

d’inventer un pays qui soit digne de la force

de nos rêves et de notre réalité

nous partageons ici entre camarades

un petit malheur inventé

pour nous punir de penser tout seul ensemble

on voudrait bien que nous n’existions pas

nos petits maîtres nous ont mis dans les limbes

de leur société hé bien il n’y a rien dans les limbes

et il n’y a pas de paradis et l’enfer c’est n’importe

quel regard vide de chef et n’importe quel enfant

peut vous nettoyer ça nous sommes ici

dans le Québec de nos coeurs

nous sommes ici sur la terre parmi l’humain

et à force d’amour et d’humour à force de sexe

et de plaisir à force de joie et à force de coups

de pied dans le cul du vieux monde nous ferons

maison nette au québec nous ferons

place aux humains

dans l’abondance d’humanité

quand notre pays sera pays

et nos amours amours libres toujours

quand cette câlice de prison

sera poulailler modèle quand les vendus

vendeurs travailleront pour les enfants

quand il n’y a aura plus de fripouille à occire

quand nous n‘aurons plus qu’à nous aimer

en inondant le monde de sirop d’érable

chanson du petit matin

d’octobre à Parthenais

petit matin petit matin

ma ville est bien putain

nos frères sont bien naïfs

et je suis bien mal en point

les bons sont pas en prison

a dit joyeux le gardien

et c’est bien rassurant

tous les méchants doivent être dedans

petit matin petit matin

dis-moi à quel triste moment

un bon devient-il méchant

c’est-y quand il entre dedans

alors donc les meilleurs des bons

sont ceux qui s’arrangent entre eux

pour être maître des prisons

et ne jamais aller dedans

petit matin petit matin

ma ville est bien naïve

nos frères sont bien putain

et on est bien mal en point

chu d’dans comme un codinde

triste comme une boite à lunch

j’ai même pas pu j’ai honte

aller voter pour mon papa

pour mon papa un homme en or

qui est le best de tous les bons

un petit prince et comme le chien

le meilleur ami de l’homme

petit matin petit matin

l’armée est dans la ville

le Canada dans le Québec

jusqu’où peut-on être putain

les voici dans de beaux draps d’or

les trois cent justes de Ville-Marie

et une couple de millions de méchants

dans la prison de Montréal

petit matin petit matin

y’en a beaucoup des méchants

même des méchants en liberté

qui laissent les bons régner sur eux

petit matin peut-être qu’on pourrait ben

mettre les bons dans les prisons

juste pour essayer pour voir

si l’envers vaut pas l’endroit

voir un peu un petit matin

si notre ville serait pas généreuse

si nos frères seraient pas plus fins

entre méchants bien dans leurs peaux

petit matin petit matin

j’aime ma ville comme mon corps

je suis naïf comme mes frères

un jour j’aurai plus mal au coeur

Michel Garneau sur Facebook, 16 octobre 2020