Un grand ami de la famille est parti aujourd’hui, il est allé rejoindre mon grand-père, camarade d’une vie. Bientôt ils parleront ensemble d’Amérique latine, de peinture et de poésie, d’amour et de diplomatie.
Mes escapades chez Nicole et lui à Saint-Jean-Port-Joli me manqueront, comme nos échanges épistolaires déroulés avec bienveillance depuis ma naissance. Comme pour d’autres né-e-s dans les années 40, je me dis souvent qu’il aurait été bon de passer plus de temps encore avec lui, à la campagne, en ville dans un évènement littéraire ou dans leur appartement du Plateau. Il nous reste ses livres, ses pleurs, ses rires.
abrazos x
“Je fréquente un arrière-pays où je ne vais jamais seul. En sandales et les mains dans les poches. L’oeil accroché à chaque détour, l’oreille tendue sur le silence. C’est un pays d’où semblent être revenus tous les poètes et dont la fertilité se cache derrière chaque pierre. Moi j’y vais; et j’y retourne. Avec moi le désir, avec moi la faim, curiosité, envie de toucher, de pétrir, de soulever. Déplacer un peu le paysage; un peu sur la droite, un peu sur le fond, rouler les décors d’automne, acclamer le feu d’artifice, compter les nuages sur la plaine et accrocher les oiseaux à la pointe de ma main dressée. Un arrière-pays secret, avec des villages dans la vallée. Sans route. Un sentier à chaque pas créé, à chaque arrêt interrompu, à chaque départ retrouvé.”
Les gants jetés, 1977, par Émile Martel (10 août 1941 – 22 novembre 2023)