AP, RL I

avant janvier 21
             pensant à moi mes amies mon épouse
  
 Anne-Marie chez Simona tout le temps qu’elles le veulent, pour se donner et s’offrir la domesticité partagée? Des complicités si profondes. Nos volontés comme seuls critères qui comptent. Deux maisonnées, pourquoi pas plus, aux architectures uniques et jamais en rivalité.      
 S’explorer, avec un grand e et plein d’autres signaux forts et faibles, ça vaut pour moi aussi.
  
 Fumer en-dedans (quand tu n’es pas là), de moins en moins. Écrire vraiment.
 
 Appeler mes grands-parents, leur dire que je parlerais d’eux dans ces écrits, parfois durement mais sans les accabler. Que, presque pour eux, je serais parmis les premiers à me faire vacciner, dans exactement un jour à midi, et que bientôt je les prendrais dans mes bras et mangerais à leur table, ce qu’on s’est interdit de faire depuis maintenant trop longtemps.
  
 Et chez les beaux-parents, pourquoi pas une belle activité de plein air à Trois-Rivières le premier de l’An ? Moments importants. 
 Des fois on pourrait se dire qu’il n’y en a plus pour longtemps, que toutes les bonnes choses vont se terminer mais je sais que l’on se trompe souvent. Par stratégie cependant, profitons-en maintenant et pleinement, par les temps qui courent cela nous apparait évident.
  
 Maryline viendrait chez nous, vraiment chez nous, les 8-9-10 janvier? Son désir, ce qu’elle en transmet, est ardent. C’est difficile à résister, et à quoi bon? Le mien l’est presque autant, et les amours nouveaux ont déja franchit nos petites et nos grandes portes.
  
 Continuer à travailler en CHSLD. 
  
 S’aimer sans se déchirer.
  
 Tout ça peut marcher cette année.
 
   
 sous clair de pleine lune, 
  
 avant janvier, mais surtout, avant ce soir,
  
  
 je déteste le mysticisme sorcellerie et même les étoiles puisque déjà mortes au moment où je commence à les aimer
  
 à toi, qui d’autre
  
 à moi, je ne sais toujours pas me passer en premier, ça ne viendra pas, je ne me le souhaite pas, les autres pas l’enfer non les autres ces lieux où se faire petit ces lieux où élire domicile dans leurs souvenirs mêmes ceux qui n’ont jamais eu lieu 
 les maisons tombent en morceaux la poésie aussi
 et plus jamais je n’habiterai à deux
  
 mais je t’envie je sais ce que ça fait le temps long le toît au-dessus des têtes
 mais jamais je ne chantais dans l’espace de notre monde à nous honte d’être entendue et pourtant j’ai une bonne voix mais la honte toujours l’impression que ça ne sera pas accueilli même chez soi parce que chez l’autre c’est toujours un peu l’ailleurs le regard honte de baisser les yeux quand on m’exige d’être pleine et vibrante       absolue
  
 j’arrive à toi en départ de tant de choses 
  
 une vague redoutable pleine de vie à briser peut-être pour naviguer
  
 tu dis nos volontés comme seuls critères qui comptent… et les limites je te le demande la volonté est sans limite oui mais pas les êtres elle est là la violence dans ces choses auxquelles on consent qui nous brisent de l’intérieur… il y de cela dans l’amour un déchirement un don une fissure pour toujours la plus belle
  
 à quoi dire non jusqu’où consentir il y a tant à perdre à trop vouloir
  
 fumer dans la chambre oui fumer les portes fermées de toute façon les voisins en bas fument toujours ça sent ça s’imprègne ça s’ignore on apprend à vivre avec les autres avec leurs manies je ne me fâche plus de ces libertés qui s’arrêtent là où commence mon désir d’une certaine vie mode d’emploi passion piano forte écrire la folie dans mon crâne mon besoin de la peau mon espoir qui faillit mais revient toujours j’ai espoir oui
  
 le sens-tu seulement, piral
  
 m’écriras-tu ce n’est pas grave j’écrirai pour toi
 c’est la moindre des choses en fait c’est tout ce que j’ai
  
 on envoie un message à la blague cynique on ne cherche plus et les gens apparaissent on ne les attendait pas on n’attend jamais les bonnes personnes
  
 je te parlais de présent éternel de l’éternité du présent c’est un peu ça
 avec qui voulons-nous partager notre éternité éphémère ça fait long longtemps
 et puis un jour on meurt et il faudra se dire que ça a valu la peine
 donnons-nous la peine
 je t’en prie
  
 puissent anne marie maryline rachel & les autres entendre tes peines tes désir tes peurs tes promesses à tenir au mieux tes vérités à ne jamais dire à moitié
  
 le reste importe peu
  
 mais je ne crois pas qu’il soit possible de s’aimer sans se déchirer
  
 il faut consentir à laisser partir une part de soi faire étoffe commune
 chambre à part certaines nuits regretter des gestes des endroits
 se rappeler qu’il y a un muscle à développer dans la fatigue 
 (merci fred dumont)
  
 j’ai espoir oui
  
 j’espère que tu sais que les gens comme moi sont inoubliables dangereux
  
 deux mille vingt et un siècle inoubliable & dangereux
  
 parce que cette année qui tire à sa fin aura tant ruiné
  
 et qu’il faut sauver avant de construire 
  
  
  
 rachel
 vive & éphémère
 arrivée trop tard
 à temps
 une carte un mot pour te dire que je doute
 je chéris la solitude son enfermement sa façon
 de ne pas laisser entrer les attentes le vouloir
 du toujours plus non je ne suis pas une personne
 mesurée mais j’ai cette tête sur les épaules
 j’ai ce lieu d’observation d’analyse de remise
 en questions et parfois je voudrais être aveugle
 au monde niaise embrumée de substances
 en tous genres pour ne plus être témoin
 de ces maladresses qui font et défont
 le sens de nos vies
  
 une carte un mot pour te dire que je doute
 je chéris la solitude et peut-être est-ce mieux
 de maintenir le contact par l’écriture
 de se raconter des histoires auxquelles
 nous n’aurons pas à croire
 peut-être est-ce mieux de passer à côté
 des évènements d’annuler les soupers
 les rires les chandelles les pâtes sauce rosée
 les nuits de sommeil et le sommeil
 perdu dans la nuit
  
 une carte un mot pour te dire que je ne suis pas
 de ces gens qui jouent intelligemment
 je n’ai que faire de remporter la partie
 on me targue souvent de sabotage
 moi je n’y vois que de la parole franche
 et beaucoup qui refusent d’entendre
 j’ai appris qu’il n’y avait rien à perdre
 que la perte ne s’oppose pas au gain
 qu’à tout faire au mieux c’est joli
 mais ça ne suffit pas non
 jamais ça rate quand bien même
 on y a déposé tout son être
  
 j’avais l’envie de te parler souvent
 et j’ai senti que le temps était compté
 qu’il y avait peu de place pour
 mon immensité c’est normal
 on est personne jusqu’à ce qu’on devienne
 quelqu’un mais pour devenir quelqu’un
 il faut prêter main forte à la croyance
 je crois que je vois et c’est déjà
 si beau de croire          faire le saut
 merci kierkegaard
  
  
 je souffre de cette façon de vouloir
 prévenir on me dirait laisse les choses
 aller on me dirait lâche prise mais ne fuis pas
 demeure mécontente demeure coupable
 de ces désirs trop grands pour
 leur étroite réalité
  
 quelque chose en moi se meurt pour
 une force d’évidence pour une certitude
 l’impression presque catégorique
 qu’il est des lieux des gens
 pour lesquels il faudrait savoir
 se battre se débattre contre un soi 
 qui nie en se voyant que lui dans
 l’autre m’est étranger c’est en cela
 qu’il me fascine me perd
  
             ce n’est pas une vie la négation
  
  
 rien n’est plus facile que de s’émerveiller
 pour longtemps et malgré soi 
 de l’humainement détail
  
             ceux qui s’y opposent parlent depuis la mort
  
 une carte un mot qui n’en finit plus
 une liste de souhaits de confidences des perles
 de croyances des éclats de verre
 mille miroirs à manipuler avec soin
 pour se voir se deviner
 se couper aussi
  
  
             oui j’écris beaucoup & souvent
             c’est ainsi c’est cela 
             cela est
  
             j’ai appris à ne plus m’en excuser
             tu me le pardonneras
             peut-être 
 ce qui nous attend s’annonce impétueux
 emmurés entre les blancs & le couvre-feu
 tu enfiles ton uniforme tu joues les sauveurs
 pour ne pas avoir à t’écouter douter
 ne pas prétendre que les choses s’arrangeront
 heureux inquiet ce n’est pas un paysage
 pour recevoir notre engouement
 quelque chose comme sangloter
 de plaisir se laisser aller à
 la suppression du torrent 
 
 ce n’est pas un paysage non
 alexandre dis moi pourquoi les notes de soin sont séparées d’avec la partie qu’est-ce qui les scinde les différencie ?
  
 alexandre la forme s’impose peut-être ne la vois tu pas encore je suis contente de t’avoir fait lire pour les désespérés je crois que ce projet d’écriture se fondera sur des similarités
  
 tu ne puiseras pas dans le flore manuel non mais dans les articles les données brutes de l’actualité la matière technique de l’univers médical les images le visuel qui te suit partout les chiffres froids qui blessent nient recensent mais n’expriment pas : devoir d’expression de commémoration ton écriture nécessaire ton expérience singulière je crois qu’elle te suivra qu’elle t’a refait que tu ne retrouveras jamais le toi d’avant le stage que ce que tu raconteras ne sera pas que par devoir mais par nécessité une nécessité toute subjective une introspection portée au dehors pour le bien de tous
  
 prends toi au sérieux c’est urgent
  
 alexandre ce sera je l’espère un carnet de carnets des feuillets avec dates & lieux des phrases longues des parcelles poétiques aussi tu en as déjà sous la main et je vois tout ce qui viendra si ça ne te vient pas en parlant je t’aiderai à identifier de la matière elle est là simplement trop dense pour l’évidence le saut aux yeux démêler ensemble jaser isoler pour ensuite déployer l’un en diffraction approfondir
  
 il faut organiser classifier je pense à un texte que j’ai écrit « carnets d’été » je le déposerai dans parcelles de désastre pour te donner une idée mon texte était inspiré de l’écriture blanche de annie ernaux des entrées très courtes aphoristiques jamais trop poétiques et pourtant toujours à la hauteur de ce roman de 300 pages qui n’en est pas un journal peut-être une recension désespérée de choses qu’il faudrait omettre de dire que l’on dit précisément dans l’écriture puisqu’il n’est pas d’autres lieux
  
 astuces : penses à des sous-titres des sections des scènes aussi c’est ainsi que l’on circonscrit l’écriture le reste se fait tout seul je ne suis pas inquiète pour toi en fait j’affectionne déjà particulièrement ton écriture de façon peut-être ingrate et précoce parce qu’étrangement nous partageons une conception très similaire de l’acte littéraire
  
 je me dis que si tu travailles à élaborer un échantillon bien ficelé tu pourrais très bien l’envoyer à moebius pour l’appel il faut être plus fort que soi
  
 je repasserai avec soin sur les phrases & la structure mais fais toi confiance tu me fais peur partout pour tout le reste mais tu as toute ma confiance en écriture je t’en veux un peu de ce pouvoir que tu as sur moi te vouloir & t’en vouloir de façon indifférenciée